Quelles
sont les plus grandes frayeurs des internautes ? Et quels rôles les
différents réseaux sociaux jouent-ils dans leur comportement ? Une étude
réalisée par le spécialiste de la veille, Bolero, révèle que les
angoisses de la population ne sont pas toujours celles que l’on croit.
On le sait, le web social est un
réceptacle et un catalyseur d'émotions. Images, actualités, émoticônes,
vidéos… nourrissent en effet les réactions du public au quotidien tandis
que les fonctionnalités des réseaux sociaux (mood graph de Facebook, trending topic de Twitter) les amplifient. Et l’émotion la plus présente est certainement la peur. « La
peur est une émotion ancestrale qui provoque un instinct de fuite
accompagné d'une inhibition de la pensée, elle favorise l'irrationalité
de l'individu. Elle crée alors un terrain propice à la désinformation, à
la rumeur et à une potentielle manipulation des foules », constate Caroline Faillet, co-fondatrice et CEO du cabinet de veille Bolero,
qui a voulu comprendre quelles étaient les peurs les plus évoquées dans
les réseaux sociaux et cerner quels rôles jouent ces derniers selon les
risques. A partir d'un champ lexical de la peur (risque, danger…),
elle a relevé 750 urls par type de source pour l'ensemble des
médias et réseaux sociaux publics pour la période du 1er janvier 2014 au
31 mars 2015 (commentaires d'articles, blogs, forums, plateformes de
pétition, Twitter, Facebook).
L’enquête tire trois conclusions
1. L'actualité est le premier fournisseur de sujets anxiogènes
La liste des peurs des internautes est le reflet d'un peu plus d'une année d'actualités. « Nous
avons été étonnés de constater que l’angoisse devant le chômage ne
représentait que 1% des peurs, alors que celle de l’insécurité et de la
délinquance pesait 2O%, et celle du terrorisme 13% », souligne Caroline Faillet. Même le burn out (9%) fait plus peur que la perte d’emploi, suivi par Ebola (7%), l'Islam (5%) ou la montée des extrêmes (5%)…
2. Internet est un agitateur de peurs collectives
Les peurs véhiculées sur le Net sont
majoritairement collectives. Les internautes ne partagent leurs craintes
personnelles (maladie, angoisses professionnelles, réussite de leurs
enfants…) que dans 9,6% des cas. De même, l'austérité (2%) et la
pollution (2%) restent des dangers qui les engagent assez peu.
3. On est face à une difficile prise de recul
S'ils ne sont que 5% à opérer une
distanciation du danger par l'humour, ils sont plus nombreux (9%) à
critiquer le traitement de l'information ou de la solution apportée sur
le Net mais seuls 9% avancent des solutions. Leur premier réflexe est
de relayer l'information (30,8%) et de dénoncer le risque (17%).
Trois types de peur
1. Les peurs virales
Ce sont celles qui ont généré de la part
de l'internaute, un comportement de relais d'information, de
dénonciation du risque, et de débat sur le traitement de l'information.
On trouve en tête l’insécurité-délinquance, le terrorisme, Ebola, les
angoisses professionnelles et la montée des extrêmes. Ce sont les plus
visibles sur le Net par la masse d'individus qu'elles mobilisent. Elles
sont généralement suscitées par des faits d'actualité dans la presse,
principalement les grands médias comme Le Figaro et Le Monde, qui leur donnent un rayonnement immédiat. Les internautes utilisent les fonctions de partage (Facebook, Twitter, LinkedIn, Google+…) du média en question pour relayer l'information en moyenne 1815 fois par article anxiogène.
Les peurs virales sont aussi celles qui
génèrent le plus de réactions dans la zone de commentaires des articles
média pour critiquer le traitement médiatique ou la solution proposée
(28%), dénoncer le risque pour les populations (18%), appeler au
changement ou à la mobilisation (16%) et mener une réflexion sur les
solutions (13%). « Ce ne sont pas les faits qui frappent
l'imagination du public et génèrent ces peurs virales mais la manière
dont ils sont présentés », commente Caroline Faillet.
Le titre de l'article qui provoque ces
peurs virales a une dimension émotionnelle forte : surprise,
indignation, horreur, choc... « Nous constatons qu'il y a parfois un
écart entre le caractère anxiogène du titre de l'article et la sobriété
du fond. En effet, plus les internautes vont partager un article, plus
l'audience du média sera importante, celui-ci a donc intérêt à provoquer
une contagion. Or c'est le titre de l'article qui apparaît dans les
réseaux sociaux ou sur Google Actualités, c'est donc lui qui doit
disposer de cette puissance émotionnelle pour générer clic et partages »…. Et elle ajoute : « Sur
Twitter, certains internautes attisent les peurs par des hashtags
spécifiques qui créent l'amalgame entre des faits divers non liés entre
eux et donnent un sentiment de montée des périls ».
2. Les peurs qui mobilisent
Ce sont celles qui ont généré de la part
de l'internaute une réflexion, une interrogation, un appel à l'action.
En tête, on trouve l’insécurité-délinquance, la sécurité routière, la
culture en danger, le terrorisme et l’angoisse professionnelle.
L'engagement des internautes contre les risques passe d'abord par les
blogs. L'incitation à l'action ou au changement monte encore d'un cran
sur les plates-formes de pétition qui appellent à la mobilisation
collective, comme change.org, ou sur celles qui pratiquent les levées de fonds citoyennes comme citizencase.org.
3. Les peurs intimes
Elles se caractérisent par le partage
d'une crainte personnelle, la recherche d'information et/ou de soutien :
tout d’abord la réussite scolaire des enfants, le terrorisme,
l’angoisse professionnelle et les maladies. Elles s'expriment
majoritairement sur les forums qui, par rapport aux réseaux sociaux,
permettent de développer longuement sa situation personnelle et
d'obtenir des réponses personnalisées. Elles reflètent dans cette étude
une difficulté pour les individus à gérer la pression de la réussite
tant pour soi que pour ses enfants. Le risque de maladies, de
complications liées à la grossesse, d'effets secondaires des
médicaments, de difficultés d'accès aux soins sont aussi très présents.
« Ces peurs ne sont pas les plus spectaculaires mais les plus intéressantes car elles se heurtent à de l’irrationnel », conclut Caroline Failler.
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